NOTRE SOCIÉTÉ ICAUNAISE 

Rétrospective de trente années de vie associative

 

 

       Le 24 septembre 2011, notre association a fêté ses trente ans au service de la généalogie. Fondée en 1981, elle avait célébré son dixième anniversaire à Joigny, au centre de l’Yonne, et son vingtième anniversaire à Avallon, au sud. C’est donc à Sens, au nord du département, que les généalogistes icaunais se sont réunis pour souffler les trente bougies de leur cercle, sous la conduite d’Alain Noël, président fondateur.

       Le trentième anniversaire de notre association est intervenu à une époque charnière de l’histoire de la généalogie en Bourgogne du nord. Le 10 septembre 2009, en effet, les Archives départementales de l’Yonne ont changé la donne en mettant en ligne tous les registres paroissiaux et d’état civil qu’elles ont en dépôt, puis, le 10 novembre 2010, s’est enfin achevée la vaste campagne de relevé des mariages de l’Ancien Régime que nous avions lancée à Auxerre le 29 août 1984. Il est donc beaucoup plus facile, en 2011, de faire de la généalogie qu’en 1981, du moins pour tous ceux qui se contentent d’une ascendance squelettique.

 

LA GÉNÉALOGIE EN FRANCE AVANT LA SGY

 

       Pendant longtemps, les historiens des familles ne disposaient pas de revues spécifiques. Le fruit de leurs recherches était publié dans les bulletins des sociétés savantes qui traitaient d’histoire locale ou nationale. On n’y dressait en général que les généalogies de familles notables. Ce n’est qu’après la Seconde Guerre mondiale que les généalogistes ont pu disposer, enfin, de revues particulières et se regrouper en associations spécialisées dans l’histoire des familles. La première revue, publiée dès janvier 1956, a été le Bulletin généalogique d’information, suivie en janvier 1959 de La France généalogique puis, en juillet 1966, d’Informations généalogiques. On y traitait surtout des familles notables, les plus mobiles, ceci à l’échelle nationale.

       C’est en 1967 que l’on a vraiment commencé à s’intéresser de près aux familles plus modestes, enracinées dans un terroir et une culture locale. Cette année-là a été fondé, en effet, le Cercle généalogique d’Alsace. Il s’agit de la toute première société provinciale, en France, consacrée exclusivement à la généalogie. Dans la foulée ont été créés d’autres cercles provinciaux qui, dès 1968, se sont réunis pour former la Fédération des sociétés françaises de généalogie, d’héraldique et de sigillographie. Quatre ans plus tard, en 1972, s’est tenu le premier congrès national de généalogie à Bordeaux. Les bases de la généalogie associative étaient ainsi consolidées.

       L’assise territoriale des tous premiers cercles généalogiques français s’étendait alors sur toute l’étendue d’une ancienne province, sans tenir compte des limites des régions actuelles. De 1967 à 1977, ce sont dix cercles provinciaux qui ont été créés. Le mouvement s’est ensuite accéléré puisque, en 1978 et 1979, treize autres cercles provinciaux se sont ajoutés aux dix premiers, en deux ans à peine. Toute la surface du territoire français était désormais couverte en 1980, à quelques îlots près.

       Parmi les treize nouveaux cercles provinciaux, il en est deux qui ont joué un rôle dans la fondation de notre association : le Centre généalogique de Champagne, fondé en 1978, et l’Union des sociétés généalogiques de la généralité de Bourgogne, créée en 1979. Ces deux entités provinciales avaient des structures distinctes : comme son nom l’indique, le cercle champenois était centralisé alors que l’union bourguignonne de l’époque regroupait en fait, autour d’une même revue, trois sociétés différentes qui couvraient respectivement la Côte-d’Or, la Saône-et-Loire et l’Ain. La présence de l’Ain dans cette union indiquait clairement que l’on avait affaire à une union de type provincial et non régional. La revue commune aux trois cercles bourguignons d’origine, intitulée Nos Ancêtres et Nous, affichait d’ailleurs clairement une ambition territoriale outrepassant la superficie des trois départements du sud de la Bourgogne historique : les abonnés pouvaient déjà y poser des questions portant sur leurs aïeux ayant vécu dans la Nièvre, dans l’Yonne ou dans le Rhône.

 

LA GÉNÉALOGIE À PARIS AVANT LA SGY

 

       De 1978 à 1981, les généalogistes ayant des ancêtres dans l’Yonne ne savaient pas à quel cercle adhérer. Messieurs Alain Noël et Etienne Meunier, dont les racines plongeaient dans le nord du département, ont trouvé tout naturel alors de rejoindre le Centre généalogique de Champagne puisque leur terroir faisait partie, autrefois, de l’ancien gouvernement militaire champenois. D’autres Icaunais, à l’instar de madame Clotilde Mousset, ont préféré s’abonner quant à eux, dès 1979, à la revue Nos Ancêtres et Nous, ceci en attendant la création d’un cercle généalogique de l’Yonne au sein de l’union bourguignonne. Dans le n° 4 de Nos Ancêtres et Nous, paru en 1979, le rédacteur en chef de la revue, monsieur Jacques Vincent, avait pris l’initiative de lancer un appel pour que les généalogistes de l’Yonne se rassemblent en une association icaunaise venant rejoindre les trois cercles d’origine. Nous étions nombreux à attendre que quelqu’un se décide enfin à répondre à cet appel.

       En attendant l’homme ou la femme qui ne manquerait pas de fonder, un jour, le cercle icaunais que les généalogistes bourguignons appelaient de leurs vœux, la vie généalogique bouillonnait à Paris au sein d’antennes parisiennes très dynamiques, dont les réunions attiraient de nombreuses personnes. Les généalogistes parisiens d’origine icaunaise, comme mesdames Clotilde Mousset et Georgette Pécatier, ainsi que monsieur François Blanié et autres chercheurs, fréquentaient assidûment les rencontres organisées à Paris par l’union bourguignonne. Nous avions pour lieu régulier de retrouvailles la brasserie François Coppée, où nous étions mélangés avec les généalogistes originaires de Côte-d’Or, de Saône-et-Loire et de l’Ain et où nous pouvions consulter les premières tables de mariages dressées dans chacun de ces trois départements. Nous pouvions donc mesurer le retard qui s’accumulait dans l’Yonne, faute d’une structure d’accueil permanente mobilisant les énergies.

       Les généalogistes icaunais de Paris et de sa banlieue ne se contentaient pas de fréquenter l’antenne parisienne de l’union bourguignonne. En fonction de leurs autres racines, ils assistaient également aux réunions organisées par les antennes à Paris des autres cercles provinciaux, s’insérant ainsi, mieux qu’en province, dans le vaste tourbillon généalogique qui avait gagné la France entière en 1978 et 1979. Ils ont pu acquérir de la sorte le sentiment que leurs recherches locales devaient s’inscrire au sein d’un ensemble national fort, dont il fallait assurer la cohésion. Ce sentiment était d’ailleurs entretenu par le baron Jacques Ameil, nouveau président de la Fédération des sociétés françaises de généalogie, d’héraldique et de sigillographie, qui depuis son élection en 1979 ne manquait jamais l’occasion de rappeler, lors des réunions d’antenne auxquelles il assistait souvent à Paris, que « l’union fait la force ». Cette véritable « tournée des popotes » du nouveau président fédéral, omniprésent d’une antenne à l’autre, a largement contribué à rendre les généalogistes parisiens bien plus fédéralistes que leurs homologues provinciaux, trop liés à leur terroir local.

       Avant la création de notre association, le seul contact que les généalogistes parisiens avaient à Auxerre était madame Odette Loury, généalogiste locale qui effectuait des recherches pour autrui. Cette pionnière de la généalogie icaunaise a aidé beaucoup de gens éloignés à s’enraciner dans l’Yonne, grâce aux ancêtres qu’elle a pu retrouver pour eux au hasard des registres paroissiaux et d’état civil qu’elle consultait.

 

LA FONDATION DE LA SGY

 

       Dans le vaste espace territorial revendiqué, dès 1979, par l’Union des sociétés généalogiques de la généralité de Bourgogne, la Nièvre n’a pas tardé à accueillir un cercle généalogique qui lui soit propre. En 1980, en effet, a été fondée à Nevers une association appelée : Cercle généalogique et historique du Nivernais-Morvan. Cette nouvelle société, comme son nom l’indique, était un cercle de type provincial et non pas uniquement départemental, à l’instar du cercle de l’Allier qui avait pris le nom de Cercle généalogique et héraldique du Bourbonnais. Ce positionnement provincial du nouveau cercle de la Nièvre n’était pas fortuit : il s’inscrivait dans la logique qui avait prévalu jusque lors en France et soulignait que la nouvelle association était destinée à rester indépendante, dans son propre cadre provincial distinct du cadre provincial bourguignon. De fait, le cercle nivernais n’a pas rejoint l’union bourguignonne.[1]

       En Bourgogne, l’Yonne a été le dernier des quatre départements bourguignons actuels à voir en son sein se créer un cercle généalogique particulier. Les fondateurs étaient au nombre de quatre : Alain Noël, président, Etienne Meunier, vice-président, Christian Maillard, trésorier, et Alain Biscaye, secrétaire. Ce sont eux, finalement, qui ont créé en 1981 la Société généalogique de l’Yonne. Issus non pas du mouvement généalogique né en Bourgogne mais de celui qui avait vu le jour en Champagne, ils n’avaient pas la fibre bourguignonne et n’avaient pas l’intention de rejoindre l’Union des sociétés généalogiques de la généralité de Bourgogne. Ils présentaient comme argument historique le fait que l’Yonne était un département composite, dont seule une faible partie du territoire, à savoir l’ancien comté d’Auxerre et l’ancienne vicomté d’Avallon, faisait partie de la généralité de Bourgogne avant 1790 ; la majeure partie du territoire icaunais relevait de la généralité de Paris et une troisième partie de celle d’Orléans. Une fois encore, ce sont des considérations de type provincial, et non pas régional, qui ont prévalu en 1981 pour expliquer que le nouveau cercle fondé dans l’Yonne reste en dehors de l’union bourguignonne, comme celui de la Nièvre.

       Le premier bulletin de liaison de notre association est paru le 15 novembre 1981, avec la liste des quatorze premiers membres du nouveau cercle. Parmi eux figuraient madame Clotilde Mousset et monsieur Roger Loffroy, qui devaient bientôt jouer un rôle important au sein de la nouvelle société de généalogie.

       Les dirigeants de l’union bourguignonne n’ont pas tout de suite compris que ce nouveau cercle avait une assise départementale. Au début de 1982, dans le n° 13 de la revue Nos Ancêtres et Nous, a été annoncée non pas la fondation d’un vrai cercle à part entière mais uniquement la création, au sein de l’union, d’une simple antenne placée sous la responsabilité de monsieur Alain Noël et domiciliée à Dixmont. Cette annonce a largement contribué à faire connaître « l’antenne de Dixmont » auprès de tous les généalogistes bourguignons, notamment ceux de Paris qui attendaient que quelqu’un crée enfin une structure d’accueil dans l’Yonne. L’attente était telle depuis trois ans qu’en août 1982, soit neuf mois après la parution du tout premier bulletin de liaison de notre association, celle-ci avait déjà recueilli cent dix-huit adhésions. Ce nombre vite atteint dépassait largement les espérances les plus optimistes des quatre fondateurs du cercle, lesquels n’avaient prévu que quatre-vingts adhésions en cinq ans.

       Les dirigeants de l’union bourguignonne, qui avaient déjà commencé à publier dans les colonnes de Nos Ancêtres et Nous des questions portant sur les ancêtres icaunais des Bourguignons, ont cru alors pouvoir intégrer « l’antenne de Dixmont » dans une structure icaunaise plus vaste, affiliée à l’union. En 1982, dans le n° 16 de Nos Ancêtres et Nous, a donc été annoncée la création d’un Cercle généalogique et héraldique de l’Yonne, ou CGHY, avec une antenne parisienne animée par madame Clotilde Mousset. En 1984, dans le n° 21 de la revue bourguignonne, a ensuite été annoncée la création d’une antenne auxerroise du CGHY, placée sous la direction de madame Devillard. Cette nouvelle structure est toutefois restée une coquille vide. Seule « l’antenne de Dixmont » a survécu, en dehors de l’union bourguignonne.[2]